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Première Conférence Nationale sur la Traite des Personnes en Haïti»

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Première Conférence Nationale sur la Traite des Personnes en Haïti»

Dr. Ely THELOT, Président du Comité National de Lutte contre la Traite des Personnes en Haïti

Ce mercredi 21 Juin 2017, nous avons procédé au lancement de la Première Conférence Nationale sur la Traite des Personnes en Haïti.
Le Comité national se propose de lever un immense défi : durant les cinq prochaines années, la République d’Haïti reprendra sa place au niveau mondial parmi les champions de la lutte contre la traite des personnes.

Il y a de cela un peu plus de deux siècles, ils étaient les déshumanisés du Code Noir, ils étaient les damnés d’un univers concentrationnaire, ils étaient les marrons du syllabaire. Pourtant, ce furent eux qui ont appris à toutes les nations de la planète la vraie signification de la liberté universelle. Face aux esclavagistes du monde entier, face à la plus puissante armée coloniale de l’époque, ils sont parvenus à remporter le combat pour le respect des droits fondamentaux de la personne humaine et contre la traite des personnes. Ce furent eux qui ont montré la voie à Simon Bolivar en Amérique Latine. Ce furent eux qui ont inspiré Victor Schœlcher en France. Ce furent eux qui ont donné l’exemple à Abraham Lincoln aux Etats-Unis d’Amérique. Je parle ici de Makandal, de Boukman, de Sanite Belair, de Toussaint Louverture, de Catherine Flon, de Jean-Jacques Dessalines. Ils ont été les premiers du Nouveau Monde à se soulever contre la traite des personnes pratiquée par les Métropoles occidentales. Haïti est le fruit de leur combat contre l’esclavage à l’époque de la Modernité. Voilà pourquoi je m’engage à refaire de la République d’Haïti une terre où la traite des personnes sera désormais bannie sous toutes ses formes. Il s’agit d’abord et avant tout d’un devoir de mémoire. Il s’agit de réconcilier la nation haïtienne à son identité première et à l’esprit des ancêtres. Il s’agit de poser les balises qui permettront de sortir notre histoire des ornières du silence.

Haïti doit aujourd’hui se poser la question de savoir ce qu’elle veut réellement pour ses femmes et ses enfants. Haïti doit aussi se poser la question de savoir ce qu’elle entend concrètement offrir à ces jeunes hommes qui ne rêvent que de la partance. Pour ma part, en tant que Président du Comité National de Lutte contre la Traite des Personnes, la réponse est sans équivoque. Je veux qu’ils vivent chez eux dans la sécurité et le bien-être, à l’abri des violations de leurs droits tant civils et politiques qu’économiques, sociaux et culturels.

C’est une monstruosité pour un enfant que d’être vendu, en plein 21e siècle, comme on le ferait pour du bétail. Il n’y a rien de normal pour un être humain de porter l’étiquette de « Restavèk » et de subir les mauvais traitements qui y sont souvent associés. Je considère la mendicité forcée à travers les rues de nos villes comme étant l’une des pires formes du travail des enfants. L’exploitation sexuelle de nos adolescentes est inacceptable. Dans nos orphelinats, ils démontré que plus de 80% des enfants ont leurs parents en vie et certains d’entre eux sont victimes de toutes sortes d’abus et de traite des personnes ; J’en suis abasourdi. Je suis horrifié d’apprendre que de nombreux compatriotes sont victimes du travail forcé ainsi que du trafic des organes sur le territoire national et en terre étrangère. Je suis extrêmement préoccupé par l’ampleur de plus en plus importante que prend le trafic illicite de migrants à travers les dix départements du pays. C’est donc avec la plus grande énergie que je dénonce et condamne ces injustices qui affectent principalement les catégories les plus vulnérables de la société haïtienne. Ces violations flagrantes des droits fondamentaux de la personne humaine ne peuvent être tolérées dans la première République Noire, Libre et Indépendante du Nouveau-Monde. Tout doit être mis en œuvre pour combattre la traite des personnes et le trafic illicite de migrants.

Depuis Juin 2014, l’Etat haïtien s’est doté d’une loi pour lutter contre la traite des personnes et le trafic illicite de migrants. En 2015, conformément à cette loi, le Comité National de Lutte contre la Traite des Personnes a été institué et installé par la Présidence. Ces efforts sont appréciables, il est vrai. Mais ils ne sont pas suffisants. Il faut maintenant travailler au renforcement des capacités du Comité National de Lutte contre la Traite des Personnes. Les membres de ce Comité doivent accomplir une importante mission pour l’Etat haïtien, celle de définir et de mettre en œuvre la politique nationale en matière de lutte contre la traite des personnes sur l’ensemble du territoire. J’invite tous les acteurs concernés à travailler en coordination avec ce Comité interministériel et sectoriel. Je sollicite le soutien de toutes et de tous aux initiatives entreprises par le Comité pour faire de la prévention contre la traite des personnes, pour garantir la protection des victimes, pour s’assurer de la poursuite des contrevenants et pour développer des partenariats nationaux et internationaux.

La traite des personnes représente un obstacle de taille à la construction de l’Etat de droit. Parce qu’elle affecte principalement les femmes et les enfants en Haïti, elle porte une atteinte grave à ce que notre société comporte de plus précieux. Cette première conférence nationale sur la question offre une occasion spéciale à l’Etat haïtien de réaffirmer sa volonté à lutter contre ce fléau. Je suis particulièrement fier de voir les trois pouvoirs constitués de la République réunis autour d’une même table pour dégager un consensus sur les meilleures stratégies à mettre en œuvre en vue de lutter contre la traite des personnes. Le pouvoir législatif est important dans la lutte. Il en est de même du pouvoir judiciaire. Et l’implication du pouvoir exécutif est décisive.

Je suis également heureux de voir que les ministres les plus concernés par les causes et les conséquences de la traite des personnes en Haïti ont été présents à la Conférence pour affirmer leur engagement dans la lutte sans merci qui doit être désormais livrée contre ce phénomène. Je leur enjoins fortement à accorder tout l’appui nécessaire au Comité National de lutte contre la Traite des Personnes afin qu’il soit en mesure d’accomplir sa mission. Je demande principalement au Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique d’accorder une attention toute particulière à la problématique de la poursuite des trafiquants envers lesquels aucune tolérance ne devrait être de mise.

Durant ces deux jours de réflexion, de partage d’expériences et de débats, de nombreuses pistes de solution contre la traite des personnes et le trafic illicite de migrants sur le sol haïtien ont été explorées. Ces riches propositions seront intégrées dans le Plan d’action stratégique en cours de finalisation et qui sera implémenté au long des cinq prochaines années. J’invite tous les acteurs étatiques, de la société civile et de la coopération internationale au développement ainsi que les partenaires techniques et financiers à appuyer le travail du Comité National de Lutte contre la Traite des Personnes.

Pendant ces deux jours, les participantes et participants ont compris la nécessité d’instituer très vite la Table Sectorielle contre la Traite des Personnes. C’est une excellente perspective. Car, il me semble que le dialogue doit être permanent et inclusif si nous voulons vraiment que la République d’Haïti redevienne un champion de la lutte contre ce fléau mondial.